La Hongrie en passe de perdre 13 milliards de fonds européens en raison de problèmes de corruption

National

La Commission européenne a jugé les concessions de Budapest insuffisantes. La décision du gel des fonds est maintenant entre les mains des Etats membres tandis que la Hongrie s’est dite prête à « convaincre la Commission ».

Les réformes engagées par Viktor Orban n’auront pas suffi : la Commission européenne a recommandé mercredi 30 novembre le gel de plus de 13 milliards d’euros de fonds européens destinés à la Hongrie, en réponse aux problèmes de corruption identifiés dans ce pays. L’exécutif européen a finalement choisi de rester ferme face au dirigeant nationaliste, et ce malgré le « chantage » dont ce dernier est accusé, Budapest bloquant le plan d’aide commun de 18 milliards d’euros à l’Ukraine et l’imposition minimale sur les bénéfices des multinationales.

En réaction, le gouvernement hongrois s’est dit prêt mercredi à « convaincre la Commission européenne » de sa volonté de lutter contre la corruption, afin d’obtenir l’an prochain ces fonds européens. « Nous allons mettre en place les mesures supplémentaires exigées et, en 2023, nous ne doutons pas que nous parviendrons à convaincre la Commission (…) qu’il n’est pas nécessaire de suspendre les fonds », a ainsi déclaré le négociateur Tibor Navracsics, devant la presse à Budapest.

La Hongrie − qui dément tout lien entre ces blocages et la question des fonds européens − s’oppose par ailleurs à de nouvelles sanctions contre la Russie, avec laquelle elle maintient des liens, et reste le seul pays de l’OTAN, avec la Turquie, à ne pas avoir ratifié l’adhésion à cette alliance de la Suède et de la Finlande.

Des améliorations insuffisantes

Sous la pression du Parlement européen, la Commission européenne a proposé aux Etats membres, qui ont jusqu’au 19 décembre pour se prononcer, de suspendre 7,5 milliards de fonds de cohésion qui devaient être versés à la Hongrie dans le cadre du budget 2021-2027 de l’Union européenne (UE), cela représente environ 20 % des fonds que le pays devait recevoir. Une procédure dite de « conditionnalité » destinée à protéger le budget européen des atteintes à l’Etat de droit a été lancée contre ce pays en avril – une première pour l’UE –, en raison, entre autres, « d’irrégularités systématiques dans les passations de marchés publics », de « défaillances » en matière de poursuites judiciaires et de lutte contre la corruption.

La perspective de se voir privée de fonds a poussé la Hongrie à engager dix-sept mesures pour répondre aux inquiétudes de Bruxelles, dont la mise en place d’une « autorité indépendante » destinée à mieux contrôler l’utilisation des fonds de l’UE, soupçonnés d’enrichir des proches de Viktor Orban. La Commission européenne estime cependant que les réformes n’ont pas été menées de façon satisfaisante à la date butoir du 19 novembre. En septembre, elle avait fixé cette échéance pour offrir une chance à la Hongrie d’échapper au gel de 7,5 milliards d’euros.

L’exécutif européen a par ailleurs décidé de valider le plan de relance post-Covid-19 de la Hongrie (5,8 milliards d’euros) mais en l’assortissant de vingt-sept conditions, qui reprennent les dix-sept mesures de lutte anticorruption, ainsi que des réformes pour améliorer l’indépendance de la justice. « Aucun versement de fonds n’aura lieu tant que ces conditions essentielles ne seront pas correctement remplies », a déclaré le vice-président exécutif de la Commission européenne Valdis Dombrovskis lors d’une conférence de presse.

La pression des députés et une décision des Etats membres

L’exécutif européen, qui semblait privilégier une approche conciliante à l’égard de la Hongrie en soulignant les progrès réalisés par cette dernière, a finalement durci sa position. Selon plusieurs sources européennes, l’influence des eurodéputés, réunis en session plénière la semaine dernière et largement partisans de la sévérité face à Viktor Orban, a été décisive. L’éventualité d’une motion de censure de la Commission européenne en cas de dégel des fonds a même été évoquée, en particulier par le groupe centriste Renew Europe.

Le négociateur hongrois Tibor Navracsics a dénoncé mardi cette « énorme pression politique » du Parlement européen. A un an et demi des élections européennes, de nombreux eurodéputés sont soucieux de faire campagne pour la défense de l’Etat de droit face aux dérives antidémocratiques dans l’UE. Reste à savoir si cette ligne dure sera suivie par les Etats membres, qui doivent prendre leur décision à la majorité qualifiée (quinze pays sur vingt-sept, représentant au moins 65 % de la population totale de l’UE).

Une réunion des ministres de l’économie et des finances est prévue pour le 6 décembre. Si les pays scandinaves et le Benelux sont traditionnellement sourcilleux sur les questions d’Etat de droit et de lutte anticorruption, de nombreux pays de l’est et du sud de l’Europe pourraient être plus réticents à un gel des fonds.

La Hongrie, en proie à une inflation galopante et à une monnaie (le forint) en chute libre, a un besoin criant de cet argent, et son gouvernement pourrait faire usage de tous les recours possibles contre une telle mesure, par exemple en portant la question devant la justice de l’UE. Il pourrait aussi demander que la question soit tranchée au prochain sommet des dirigeants, prévu pour les 15 et 16 décembre.

 

 

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